Courbe Cible (House Curve)

 

La notion de courbe cible (house curve)

Quand on désire mettre en place un système d'égalisation des enceintes et que l'on n'a jamais expérimenté ce genre de système, on se dit que l'on va faire en sorte d'obtenir une réponse en fréquence la plus plate possible de 20Hz à 20kHz, puis une fois cela obtenu, on met un de ses CD préférés, on se met dans son canapé favori qui se trouve dans la zone d'écoute privilégiée pour laquelle nous avons réglé notre système, on pousse un peu le volume et on se prépare à vivre un moment d'extase que l'on n'a encore jamais connu avec le matériel que l'on possède. Et souvent c'est la déception, on a l'impression d'un rendu trop strident, et on se demande où sont passées les basses

Pourquoi ? En premier c'est que notre appareil auditif n'a pas une courbe de sensibilité linéaire, c'est-à-dire que toutes les fréquences ne sont pas perçues avec la même sensation de volume sonore, même si à priori elles sont émises avec la même intensité (mesurée avec un sonomètre), ensuite il y a l'influence de la grandeur de la salle qui va plus ou moins magnifier le volume sonore des basses fréquences. Une idée de la sensibilité de l'oreille humaine :

Ces courbes montrent bien qu'aux niveaux moyens d'écoute (entre 50 et 80dB) pour un même niveau sonore mesuré le signal à 20Hz sera perçu bien moins fort que le signal à 3Khz (le signal de 3kHz étant émis avec un niveau sonore mesuré de 70db, pour percevoir le 20Hz au même niveau sonore que le 3kHz, il faudrait l'émettre avec un niveau sonore mesuré de plus de 110dB), la sensibilité de l'oreille étant maxie dans la bande 2Khz-5kHz

De nombreuses mesures et tests réalisés ont montré qu'une courbe avec une pente régulière et dont le niveau diminue des basses fréquences vers les hautes fréquences amène un rendu sonore pour la reproduction de la musique beaucoup plus équilibré : il n'est pas question ici de goût personnel, où l'un aime des grosses basses et l'autre un médium en avant, il est plutôt question de perception d'un équilibre global sur l'ensemble de la bande de fréquences, ce à quoi l'on doit tendre dans un premier temps, quitte ensuite à modeler cette courbe en fonction de ses goûts personnels

Ainsi pour que notre système soit "écoutable", pour qu'il donne une bonne impression d'équilibre, nous avons besoin d'une courbe cible (house curve), c'est-à-dire d'une courbe qui va servir de modèle et que l'on va essayé d'obtenir à l'aide de notre système d'égalisation. Ainsi une courbe cible peut être définie comme une réponse en fréquence perçue comme plate, opposée à la réponse en fréquence mesurée plate

La question qui vient maintenant à l'esprit est comment déterminer la courbe cible qui convient à ma pièce d'écoute ?

Une première règle pour construire cette courbe est que plus la pièce est petite plus la pente de la courbe doit être importante (ceci s'explique : en traversant l'air les sons hautes fréquences sont plus atténués que les sons basses fréquences ce qui compense en partie la sensibilité de l'oreille). Une fois cela dit qu'est-ce qu'on fait ensuite ? La méthode décrite ci-après est celle décrite dans ce post du forum de Home Theater Shack

A vrai dire on va construire deux courbes cibles : une spécifique au caisson (qui concernent les basses fréquences) et une autre qui concerne la plage des fréquences hautes

Considérons d'abord comment déterminer la courbe cible relative au caisson. La méthode utilisée comporte les étapes suivantes :

  1. Obtenir une réponse en fréquence relativement plate à l'aide de l'égaliseur paramétrique pour éliminer autant de crêtes et de creux possibles, en minimisant le nombre de filtres utilisés
  2. Emettre un signal de test sinus vers 100Hz (proche de la fréquence de coupure haute du caisson) et un autre vers 32Hz : avec une réponse en fréquence plate, le signal 100Hz sera perçu comme ayant un niveau sonore plus élevé que le signal 32Hz. Dans ce cas il faut réajuster la courbe de réponse de façon à avoir une perception du volume sonore identique pour les deux signaux, attention on parle bien ici de perception et non de mesure, c'est donc votre oreille qui va servir d'instrument de mesure, c'est bien une évaluation subjective que l'on fait, mais une courbe cible est bien du domaine du subjectif
  3. Ajout d'un filtre centré autour de 400Hz, sur une largeur de bande d'environ  deux octaves et un gain de -15dB. Un tel filtre a une réponse en fréquence qui ressemble à cela :



    Si on applique ce filtre sur la courbe en fréquences relativement plate du caisson on obtient une courbe qui descend régulièrement entre 30Hz et 100Hz (-4dB vers 100Hz) et plate sous 30Hz. Il est évident que les chiffres donnés ici sont à adapter en fonction de la courbe relativement plate du caisson et de la fréquence de coupure, l'objectif étant que les signaux à 32Hz et 100Hz soient perçus avec le même volume sonore.
  4. Le filtre appliqué, on revérifie l'égalisation entre ces deux points : l'idée est d'obtenir une courbe aussi droite que possible entre eux, pas plate puisque l'on a forcé une pente descendante vers les hautes fréquences, mais droite. On peut confirmer en émettant un signal glissant (sweep) entre ces deux fréquences : l'idéal est de percevoir un volume sonore constant

Un élément à réfléchir mais non pris en compte ici : l'effet Fletcher-Munson, qui montre que notre perception des basses et des hautes fréquences varie avec les variations de niveau sonore

Le choix de garder une réponse plate sous 30Hz évite une surrabondance de basses dans l'écoute musicale et des basses qui manquent de naturel avec les films, mais cela reste un choix personnel et chacun peut l'adapter à ses propres préférences

De par notre position d'écoute qui est proche des enceintes (comparativement aux salles de concert où nous sommes plus éloignés de ces enceintes) dans notre zone d'écoute, le rendu sonore parait plus brillant, plus aigus qu'il ne devrait, il est ainsi également nécessaire de compenser cette perception sonore trop brillante avec une courbe cible qui elle doit prendre en compte l'ensemble de la bande de fréquences des plus hautes fréquences aux plus basses fréquences. L'objectif ici est également d'obtenir une perception sonore équilibrée sur tout le spectre sonore afin que le système soit "écoutable". Une telle courbe peut ressembler à ceci :

L'expérience montre qu'une enceinte fournira un niveau de basse plus conséquant dans une pièce plus petite (il est question ici de niveau et non pas de fréquence plus basse) que dans une grande, en corrolaire cela veut dire qu'il faut en premier lieu adapter la taille de ses enceintes à la taille de la pièce

L'industrie du cinéma a standardisé une courbe cible appelée "X curve" :

On constate que cette courbe est plate entre 63Hz et 2kHz, sous 63Hz elle diminue de 3dB/octave, de même entre 2kHz et 10kHz (1,5dB/octave pour les petites pièces, le problème c'est de savoir ce qu'est une petite pièce), au-dessus de 10kHz elle diminue de 6dB/octave. Le reproche que l'on peut faire à ce standard est qu'il est unique, en ce sens qu'il ne tient pas compte de la pièce d'écoute. On se rend compte aussi que contrairement à ce que l'on constate en général en écoutant de la musique, où l'on est plutôt dans le cas d'augmenter le niveau des basses fréquences pour les percevoir avec un même niveau sonore que les fréquences plus élevées, la X curve diminue au contraire ce niveau, ceci pour compenser l'accentuation de ces basses fréquences qui est faite au moment de l'enregistrement.

Ainsi ce standard apparait ne pas être adapté à l'écoute de la musique. Le problème c'est que l'industrie musicale ne possède pas de standard à ce niveau. On voit se profiler l'obligation d'utiliser différentes courbes cibles (house curve) en fonction de ce que l'on écoute

En conclusion qu'adopter comme courbe cible au-delà des basses fréquences ? Je vais faire une réponse de Normand : ça dépend ! A vrai dire j'aurais tendance à suggérer de commencer par réaliser une courbe plate et d'écouter ce que cela donne, puis d'essayer une pente descendante de 1,5dB, puis 3dB, ;;; jusqu'à ce que l'on soit satisfait de la perception sonore que l'on a